Peut-on transformer la peur ?

Perspectives de l'Ashtanga Yoga et des Enseignements de Krishnamurti

comprendre et transformer la peur, sagesse de l'orient

En tant que professeur de yoga, je rencontre souvent des élèves aux prises avec la peur - peur de tomber dans une posture, peur de ne pas être assez bon, de ne pas pratiquer correctement.

 

La peur est une expérience humaine universelle, pourtant souvent mal comprise.

 

Aujourd'hui, explorons le concept de la peur à partir de deux perspectives profondes : les enseignements de l'Ashtanga Yoga de Patanjali et les réflexions philosophiques de J. Krishnamurti.

Définir la peur

Krishnamurti suggère que la peur est intimement liée au processus de la pensée et au concept du temps.

 

Il affirme que la peur n'est pas une entité inhérente ou indépendante. Elle est plutôt une création de notre propre processus de pensée.

 


Dans les Yoga Sutras de Patanjali, le concept de peur est incarné par le terme "Abhinivesha", souvent traduit par "peur de la mort" ou "attachement à la vie".

 

C'est considéré comme l'un des cinq kleshas, ou afflictions, qui obscurcissent notre perception et entravent notre progression spirituelle. Abhinivesha est décrit comme la peur sous-jacente qui existe chez tous les individus, même ceux qui sont instruits.

 

C'est une peur profondément enracinée qui coule de sa propre énergie, et elle provient de Avidya, ou ignorance de notre vraie nature.

 

En méconnaissant notre vraie nature éternelle et en nous identifiant à notre existence physique temporaire, nous développons cette peur de la mort ou cet attachement à la vie.

 


Naissance de la Peur

Krishnamurti souligne que la peur surgit lorsque la pensée se projette dans le futur, créant de l'anxiété quant à ce qui pourrait arriver. C'est comme si nos pensées peignaient constamment des images de menaces potentielles ou de résultats négatifs, et ces images génèrent la peur.

 

 

Par exemple, nous pourrions craindre l'échec parce que nous nous souvenons des échecs passés (la pensée se référant au passé). Nous nous inquiétons de pouvoir échouer à nouveau à l'avenir (la pensée se projetant dans le futur).

 


Dans l'Ashtanga Yoga, l'avidya, l'ignorance de notre véritable nature, est la source de la peur. C'est la première des cinq afflictions, ou kleshas, qui obscurcissent notre perception.

 

L'avidya est la racine des autres kleshas : égoïsme, attachement, aversion et peur de la mort. Dans cet état d'ignorance, nous nous trompons en nous identifiant à notre moi éphémère et physique, plutôt qu'à notre moi spirituel et éternel. Cette fausse identification déforme notre perception de la réalité et engendre une souffrance inutile.

 

Pour illustrer l'avidya, on utilise souvent la métaphore de la corde et du serpent. Dans une lumière faible, on peut confondre une corde avec un serpent, provoquant la peur. Cependant, en allumant la lumière et en voyant clairement qu'il s'agit d'une corde, la peur s'évapore. De la même façon, en éclairant notre ignorance avec la lumière de la connaissance et de la conscience, nous discernons notre véritable nature et la peur se dissipe.

 


Transformer la peur

Krishnamurti suggère que pour vraiment comprendre et être libre de la peur, nous devons comprendre la nature de la pensée elle-même. Il propose que nous observions notre peur sans jugement ni résistance, sans chercher à y échapper ou à la réprimer. Cette observation n'est pas une analyse intellectuelle mais une observation calme et directe de ce qui se passe dans l'esprit.

 

Dans ce processus d'observation, nous ne gaspillons pas d'énergie en réaction à la peur ou en efforts pour la contrôler. Au lieu de cela, nous conservons cette énergie, ce qui nous permet de voir la peur clairement et de la comprendre profondément. C'est comme regarder calmement passer une tempête, sachant qu'elle est transitoire et ne se laissant pas emporter par elle.

 


Illustration du processus d'observation

Voici un exemple qui illustre le processus d'observation selon Krishnamurti :

 

Imaginons que vous ressentez une peur intense de parler en public. Cette peur peut être due à une variété de pensées et de souvenirs, comme une expérience embarrassante passée ou l'anxiété de l'échec futur.

 

Selon Krishnamurti, la première étape pour comprendre cette peur est de l'observer sans jugement. Au lieu d'essayer de supprimer cette peur ou de la rationaliser, vous la regardez simplement telle qu'elle est. Vous remarquez les sensations physiques qui accompagnent cette peur - peut-être une accélération du rythme cardiaque, une transpiration excessive, ou un nœud dans l'estomac.

 

Ensuite, vous observez les pensées qui accompagnent cette peur. Peut-être que vous vous souvenez d'une fois où vous avez bégayé lors d'une présentation, ou que vous imaginez les gens en train de rire de vous. Encore une fois, vous ne jugez pas ces pensées, vous ne les analysez pas, vous les observez simplement.

 

Au fur et à mesure que vous observez, vous pouvez commencer à voir que cette peur est vraiment une création de vos pensées. Ce n'est pas une réalité objective, mais quelque chose que votre esprit a créé. Vous pouvez également commencer à voir comment la pensée du passé (le souvenir de bégayer) et la pensée du futur (l'imagination des gens qui rient) contribuent à cette peur.

 

En observant de cette manière, vous ne gaspillez pas d'énergie à réagir à la peur ou à essayer de la contrôler. Au lieu de cela, vous conservez cette énergie, ce qui vous permet de voir la peur clairement et de la comprendre profondément. C'est comme regarder calmement une tempête passer, sachant qu'elle est transitoire et ne se laissant pas emporter par elle.

 

Les Yoga Sutras de Patanjali recommandent de pratiquer le non-attachement (vairagya) et la méditation (dhyana) pour éliminer les afflictions, la peur de la mort étant la plus forte.

 

Le concept de non-attachement ou de désintéressement est mentionné dans plusieurs sutras, mais il est particulièrement mis en évidence dans le Sutra I.15 : "Vairagya est la conscience de maîtriser le désir pour le visible ou l'invisible, ici ou dans l'au-delà."

 

La pratique de la méditation est une partie clé des huit membres du yoga décrits par Patanjali. Le Sutra III.2 définit la méditation (dhyana) comme "le flux continu de la cognition vers cet objet." Ce flux continu d'attention aide à calmer l'esprit et à lever le voile de l'ignorance.

 


Méditation guidée sur le non-attachement

Voici quelques indications simples pour pratiquer le non-attachement (vairagya) dans la vie quotidienne :

  1.  Trouvez un endroit calme.
  2. Asseyez-vous confortablement, fermez les yeux et prenez quelques instants pour vous détendre.
  3. Respirez profondément et lentement, en portant votre attention sur les sensations de l'air frais qui entre et de l'air tiède qui sort à travers vos narines.
  4. Pensez à quelque chose dans votre vie à quoi vous êtes fortement attaché. Cela pourrait être une personne, un objet, une situation, ou même une idée ou une croyance.
  5. Sans jugement, observez les sentiments qui surgissent lorsque vous pensez à cette source d'attachement. Notez toute anxiété, peur, désir ou autre émotion qui pourrait surgir.
  6. Imaginez maintenant que vous laissez aller cet attachement. Visualisez-le comme un objet que vous tenez dans votre main, et imaginez que vous ouvrez votre main et laissez l'objet s'envoler.
  7. Notez les sentiments qui surgissent lorsque vous faites cela.
  8. Après avoir visualisé le lâcher prise, ramenez votre attention sur votre respiration. Respirez profondément et lentement, en portant votre attention sur les sensations de l'air frais qui entre et de l'air tiède qui sort à travers vos narines.
  9. Si vous ressentez encore un fort attachement, vous pouvez répéter l'exercice en vous référant aux étapes 4 à 8. Avec le temps, vous pouvez trouver que votre attachement à l'objet, à la personne ou à la situation diminue. Lorsque vous êtes prêt, ouvrez lentement les yeux et revenez à votre journée, en gardant à l'esprit le sentiment de non-attachement que vous avez cultivé pendant la méditation.

Rappelez-vous, le non-attachement ne signifie pas l'indifférence ou l'évitement. Il s'agit plutôt de comprendre que tout est impermanent et changeant, et donc de ne pas s'accrocher trop fortement à quoi que ce soit. C'est une pratique qui peut prendre du temps à maîtriser, alors soyez patient avec vous-même.

Pour conclure

En conclusion, les enseignements de l'Ashtanga Yoga de Patanjali et de Krishnamurti offrent des perspectives précieuses pour comprendre et transformer la peur. Bien que leurs approches diffèrent, tous deux soulignent l'importance de la conscience de soi et de la compréhension. 

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