Stabilité et confort
Lorsque nous adoptons une posture – debout, assis ou couché – le corps recherche continuellement le confort. Si nous nous disions « ne bouge plus !», nous réaliserions à quel point il est difficile de rester stable et à l’aise très longtemps.
En effet, au bout de quelques secondes ou minutes, le corps s’indigne et aspire à modifier sa position dans l’espace en effectuant un mouvement, aussi infime soit-il. Cette conduite a pour seul but de soulager la gêne ressentie. Celle-ci peut aller de la simple sensation de picotement à la douleur intense et fort désagréable. Quelle que soit l’intensité de la sensation, l’impulsion de l’organisme vise à réajuster sa posture afin retrouver le bien-être.
Ce mécanisme instinctif est vécu face à un danger imminent. L’instinct primaire est de réagir
instantanément. En effet, en vue de préserver la survie du corps, l’expérience montre que le combat ou la fuite est la seule alternative face à une situation dangereuse.
Bien qu’une perturbation physique ne soit pas dangereuse dans l’instant, on retrouve un mécanisme semblable. Soucieux de notre propre satisfaction, nous nous préservons de toute situation ou sensation désagréable qu’elle soit d’ordre physique, émotionnelle ou psychologique. Éviter, contourner, alléger la souffrance à tous les niveaux de notre être est une réaction naturelle. Cependant, la réaction ne traite pas forcément les causes de cette situation douloureuse. Et ces causes relèvent souvent des modalités propres à la condition humaine.
Afin d’être à l’aise dans notre corps, quelle que soit la posture adoptée, le yoga propose la pratique des asanas. En sanskrit ce mot signifie « assise » ou le « tissu sur lequel nous sommes assis ». Dans son sens le plus large, asana peut aussi décrire le fait d’être bien installé et enraciné dans une attitude corporelle.
Quand aborder les asanas?
En général, la pratique des postures constitue le point de départ de la discipline du Yoga.
Dans le Hatha Yoga, les textes diffèrent quelque peu sur cette question. Dans le Hathayogapradipika, par exemple, les asanas sont présentés en premier, alors que dans le Gherandha Samhita, la pratique des Satkarmas (exercices de purification) est essentielle avant celle des asanas.
Dans le Raja Yoga, aussi connu sous le nom de Ashtanga Yoga, l’observance des 10 principes de vie est abordée avant les asanas. Ces principes comprennent 5 Yamas ou relation à soi, et 5 Nyamas ou relation aux autres. Cette séquence est exposée dans les Yoga-sutras de Patanjali (PYS).
Objectif des asanas
Hatha Yoga
Selon le Hathayogapradipika (Chapitre I, Sutra n°19), les asanas doivent être pratiqués pour acquérir une posture assise stable et légère, favorable à la pratique de la méditation. Cet entraînement a également pour objet l’obtention et le maintien d’une santé optimale. Ce texte traditionnel présente 15 asanas considérés comme les plus importants.
Le Gheranda Samhita recommande la pratique de 32 asanas. Leurs bienfaits varient selon les postures.
Raja Yoga
Selon les Yoga-sutras de Patanjali (PYS), l’asana ne semble pas être une pratique en vue d’un objectif à atteindre. Il s’agit plutôt d’indiquer ce qu’est l’être humain dans son état naturel.
Voici les 3 sutras s’y référant :
PYS II-46 : « sthira Sukham âsanam »
Tr. Litt. : « La position ou l’assise est stable et confortable »
La notion d’« assise » désigne à la fois la posture assise au sol ou toute posture équilibrée permettant au corps de se trouver dans son état naturel, stable et tranquille.
PYS II-47 : « Prayatna saithiliyânanta samâpattibhyâm »
Tr. Litt. : « L’effort consiste à se relâcher et à s’absorber dans l’infini »
Installer le relâchement nécessite un acte de la volonté et un effort tant physique que mental.
PYS II-48 : « Tato dvandvânahighâtah »
Tr. Litt. : « Nous ne sommes plus dérangés par les paires d’opposés »
L'expression « paires d’opposés » recouvre par exemple : peine et plaisir, agréable et désagréable, désir et répulsion, début et fin.
Le Hatha Yoga propose la pratique de divers asanas dans un but préventif et curatif : empêcher l’apparition de maladies ; abolir l’état maladif pour recouvrer la santé.
Il semble que Patanjali n’ait pas mis l’accent sur une posture méditative spécifique. En revanche, il donne des indications sur la nature de l’expérience méditative dans sa dimension psychophysiologique.
But ultime
La finalité de la pratique du Hatha Yoga et du Raja Yoga est de libérer le corps et l’esprit de tout ce qui peut perturber l’assise méditative. Quand le corps est relâché et dépourvu de tensions, la détente de l’esprit s’installe. Cette condition favorable du corps-esprit aide l’attention à trouver le chemin d’une quête plus profonde : la recherche de notre véritable nature.
Asanas au début du 21ème siècle
Aujourd’hui, dans les sociétés occidentales, le Yoga semble occupé une place de plus en plus importante. Divers « styles de Yoga » sont nés en réponse à la diversité des tempéraments et des conditions d’existence. Bien que ces « styles de Yoga » semblent différents, ils reprennent les aspects fondamentaux des asanas du Hatha Yoga.
D’une manière générale, les cours de Yoga dédient un temps à la pratique des asanas. Que celle-ci soit
- lente et intériorisée
- rythmée et chorégraphiée
- douce et simple
- rapide et énergétique
- en musique ou en chantant
- en duo ou en kilt
- aérienne ou terrienne
- sur l’herbe ou sur le sable
- sur un puddle ou sur un vélo
- dans la neige ou à 40 °C
- combinée avec d’autres disciplines ou « Hybrid Yoga »,
elle se base sur le Hatha Yoga.
Quel que soit le « style » pratiqué, ne perdons pas de vue l’essence même du Yoga. Sa discipline n’est pas un outil pour échapper à la misère du monde et aux souffrances personnelles. Elle décrit l’homme dans sa réalité conditionnée. Elle propose surtout des moyens pour parvenir à abandonner les forces illusoires et dualistes qui nous enchaînent à l’alternance continue des plaisirs et des peines, des désirs et des aversions, des manifestations du bien-être et du mal-être. Il existe une réalité délivrée de ce mécanisme. Le Yoga nous propose d'en faire l’expérience afin que notre véritable nature soit reconnue.
Bien que nous puissions prendre un cours de Yoga pour améliorer notre condition physique, ne perdons pas de vue l’essentiel. Ainsi pouvons-nous pratiquer les asanas dans leur dimension plénière : revitaliser, assouplir et tonifier les zones fragilisées ; détendre les zones crispées et hypertendues ; apprendre à découvrir la plénitude en soi-même ; découvrir et comprendre les aspects de notre être dont nous n’étions pas ou peu conscients.
Quelques indications lors de la pratique des asanas
Les mouvements nécessaires pour entrer dans une posture et la quitter sont lents, fluides et sans à-coups.
Dans chaque posture, certains muscles et nerfs sont étirés passivement.
L’effort est principalement porté sur les muscles et ligaments plus profonds de la colonne permettant d’améliorer sa tonicité et sa flexibilité.
D’une manière générale, les organes thoraco-abdominaux font l’objet d’une plus grande attention que les extrémités du corps.
La gamme entière des asanas aide à entretenir la symétrie du corps. Les deux côtés, droits et gauches, sont considérés équitablement.
L’accent est mis principalement sur la stabilité de la posture et sur le temps nécessaire au
relâchement.
Dans cette stabilité, l’attention est portée sur ce qui est ressenti.
Tout ressenti peut être soit agréable, désagréable ou neutre. De cette perception peut découler une série de réactions.
Voir s’il est possible d’accueillir toute perception avec bienveillance et sans volonté d’agir sous quelque forme que ce soit.
Bien que la forme adoptée semble immobile, rien n’est statique ou figé. Le flot d’énergie continue à s’exprimer, en particulier sous la forme du souffle. Lorsque des sensations corporelles se déploient ou que survient une expérience de paix profonde voire de félicité, n’ayons pas la volonté de la saisir, de la maintenir ou de l’entretenir. Laissons la situation se déployer en cette tranquillité naturelle. Restons ouvert au tout possible et à l’inconnu.